Ethique d’approche respectueuse des baleines – Expériences et recommandations de Philippe WEBER
Eric Grange | 10 octobre 2014Mises en place de chartes éthiques
Les baleines suivent des cycles de migration. Elles se nourrissent de krill dans les eaux froides et se reproduisent dans les eaux chaudes et peu profondes. Dans l’hémisphère Nord, elles partent de l’Arctique vers le Mexique, les Caraibes, Hawaii et le Japon. Dans l’hémisphère Sud, elles partent de l’Antarctique vers la Nouvelle Calédonie, Tahiti, la Colombie, Mayotte et la Réunion. L’observation des baleines (Whale watching) est facilement possible sur notre planète.
Les mammifères marins sont des espèces fragiles. Pour les préserver, il est essentiel de maintenir les conditions nécessaires au bon déroulement de leur cycle vital. C’est pourquoi dans tous les pays du monde des chartes d’approche ont été mise en place.
Les chartes , destinées aux opérateurs nautiques, sont des outils d’encadrement de l’approche et de l’observation des mammifères marins qui vise à les respecter. Elles sont élaborées par les professionnels, les associations sur le milieu marin et les services de l’Etat.
Les objectifs de ces chartes sont :
Préserver les baleines en leur garantissant la tranquillité nécessaire au bon déroulement des différentes étapes de leur cycle de vie,
Organiser et encadrer l’approche des baleines sur la base du respect mutuel entre les usagers des mers et notamment les opérateurs nautiques,
Soutenir le développement en conscience d’activités pour découvrir les baleines dans un cadre responsable, durable et exemplaire.
Certaines chartes donnent même des horaires de quiétude pour les baleines. Par exemple : aucune approche volontaire à partir de 14h.
Les opérateurs nautiques dans leur région respective, sont dans l’obligation de respecter la charte locale. Selon les mers et le contexte local, ces chartes peuvent présenter quelques différences.
Principes techniques et de sécurité relatifs à l’approche des baleines
Sur la base de mes expériences d’approche avec les baleines, je fais la synthèse de ces principes de base.
L’analyse préalable de la situation est une étape fondamentale : type de baleine (mâle, femelle, baleineau…) avec leur comportement du moment.
Dans le cas où plusieurs bateaux sont sur le site, ceux ci doivent restés groupés du même coté des baleines pour éviter leur encerclement. L’ordre d’arrivée des bateaux définit l’ordre de passage.
La zone d’observation est définit entre 300 et 100 m de distance de la baleine. Dans cette zone, le nombre de bateaux peut être limité entre 2 à 5 bateaux. La durée de présence est limitée entre 15 à 30 mn. L’approche se fait toujours par ¾ arrière et le suivi se fait parallèlement aux baleines. Les changements brusques de vitesse et de direction sont interdits. Le moteur est au ralenti : 4 noeuds maximum en vitesse.
La zone de prudence est définie en dessous de 100 m. Dans cette zone, il y a 1 ou 2 bateaux. Il est fortement recommandé de se placer au vent de la baleine. De cette façon, le bateau peut facilement couper ses moteurs et se laisser dériver en silence vers la baleine. Cette phase d’approche en conscience est impressionnante pour les participants car sans les moteurs nous entendons le souffle puissant des baleines. L’expérience est
d’autant plus forte que le bateau dérivant se rapproche de plus en plus de la baleine.
Certains opérateurs équipés de rames réajuste leur dérive en ramant toujours en silence.
Mise à l’eau consciente avec les baleines
Les mises à l’eau avec les baleines sont autorisées dans seulement quelques mers : Mayotte, la Réunion, les Caraibes et Tahiti. Ceci a conduit à mettre en place une réglementation précise.
Pour faire une mise à l’eau, plusieurs conditions doivent être respectées :
Une mer peu agitée
Une baleine femelle et son baleineau à l’arrêt
Un seul bateau présent sur le site le plus souvent.
Il est interdit de :
Nager et plonger avec des bouteilles,
Nager à moins de 15 m de la baleine,
Prendre des photos avec flash.
N’oublions pas qu’une baleine en vitesse de croisière nage à 14 km/h, elle peut même accélérer à 26 km/h. Il est donc impossible de la suivre en nageant. L’expérience la plus classique est de voir une mère et son baleineau à l’arrêt soit pour se reposer soit pour allaiter sur des hauts fonds entre 20 à 40 m à proximité d’une barrière de corail. Si les conditions sont respectées, il est alors possible de faire une mise à l’eau. Celle ci est
réservée aux nageurs confirmés équipés de palme/masque/tuba.
Les moteurs sont donc toujours coupés, bateau à la dérive, et la mise à l’eau se fait généralement à 50 m de la baleine sans faire de bruit dans l’eau. Il reste toujours le skipper à bord pour la sécurité et pour indiquer la direction de la baleine aux nageurs dans l’eau. Le nombre de nageurs est limité entre 8 à 10 nageurs. Ceux ci doivent restés groupés en permanence pour éviter que la baleine ne voie pas un nageur isolé si elle décide de partir. De plus, le groupe ne doit jamais être entre la mère et le baleineau, ce qui n’est pas évident car le baleineau de temps en temps curieux va au devant du groupe.
L’expérience bien menée en conscience d’être à coté de la baleine est souvent décrite comme étant une expérience exceptionnelle qui peut changer une vie. En effet, l’oeil de la baleine dégage beaucoup de compassion et d’amour inconditionnel. Nous pouvons même parler de complicité respectueuse entre le monde des mammifères marins et les être humains sur la base de l’Amour, valeur universelle de la Vie.